La muraille de Saladin et les fouilles de l’IFAO dans la ville du Caire
Lundi 22 janvier à 18h
Salle du Sénéchal – 17 rue de Rémusat – Toulouse
Conférence de M. Stéphane PRADINES,
professeur à l’Aga Khan University à Londres, spécialiste des civilisations musulmanes.
Présentation
La conférence présentera les fouilles archéologiques dirigées par Stéphane Pradines au Caire de l’an 2000 à 2016. Les fouilles dites des « Murailles du Caire » sont parmi les plus grandes fouilles réalisées sous l’égide de l’Institut Français au même titre que les missions de Saqqarah ou de Louxor. Il s’agissait de fouilles de sauvetage afin de documenter et de préserver des éléments importants de l’histoire islamique de la ville du Caire et de l’Égypte médiévale. Les résultats furent aussi impressionnants que nombreux, avec l’exhumation et la documentation des murailles de Saladin datées de 1169-1177, et des enceintes urbaines Fatimides datées de 969-1092. L’équipe a aussi dégagé des quartiers entiers de la ville, des époques mameloukes et ottomanes, notamment des maisons et un cimetière.
Enfin notre connaissance de la culture matérielle du Caire médiéval a considérablement progressé avec la découverte de millions de tessons de céramiques, de poteries complètes et d’objets en métal, verre, mais aussi en matériaux périssables (bois, papier, vanneries). Une partie des fouilles a été préservée et transformée en parc archéologique, au cœur du Caire. Enfin, ces fouilles sont une véritable aventure humaine avec plus d’une centaine de collaborateurs et d’étudiants, les murailles du Caire étaient le premier et le plus grand chantier école de l’Ifao à former des archéologiques égyptiens.
Résumé de la conférence
Deux parties ont composé cette conférence consacrée aux structures défensives médiévales de la ville du Caire datant des dynasties fatimide, ayyoubide et abbasside.
La première partie a retracé dans les grandes lignes l’histoire architecturale de la cité, de sa fondation à la fin du XIXe siècle. La seconde a été consacrée aux fouilles conduites par l’Institut Français d’Archéologie Orientale et par la Fondation Aga Khan dans différents sites de la muraille de l’époque médiévale de la capitale égyptienne.
Le Caire, première ville d’Afrique et du Moyen Orient, possède une longue histoire. Dans le pays de Misr, l’Égypte musulmane, la capitale Fustat est fondée en 642 autour de la forteresse romaine de l’ancienne Babylone. À partir de là, le futur Caire va se développer en une stratigraphie horizontale. Au sud se trouve Fustat. Puis les Fatimides (969-1171) fondent l’établissement urbain d’Al Qâhira , « la Victorieuse », uniquement habitée sous cette dynastie par les princes et les plus hauts personnages. Enfin, les Abbassides (1258-1517) établissent les agglomérations de Qata’i et d’Askar. Le tout finira par être entouré d’un mur d’enceinte, avec la forteresse au centre.
Les fouilles ont révélé les constructions défensives de la dynastie des Ayyoubides, fondée par Saladin en 1171. De la période des Mamelouks (1250-1517) subsistent encore de nombreux et importants vestiges, comme des mosquées, des nécropoles (sur la rive est) et des palais, dont plusieurs ont été restaurés par la Fondation Aga Khan. Le Caire ottoman (1517-1798) reste également très présent par ses maisons, ses fontaines publiques et ses palais encore bien conservés.
Le conférencier a achevé cette première partie par une rapide évocation du Caire pendant la Campagne d’Égypte et la période qui suivit avec l’avènement de Mohamed Ali, marquant la fin des Mamelouks et la partition avec l’Empire ottoman. Enfin, il fut question du « Caire haussmannien », dont les transformations intervinrent sous Ismaïl Pacha.
Les fouilles visant à découvrir les vestiges du Caire ancien ont d’abord été entreprises dans les zones non habitées de la ville. En fin de compte, peu de témoins de l’architecture fatimide et des quartiers de cette période ont subsisté parce qu’ils ont été recouverts par les zones d’habitat plus récentes. Le projet de la Fondation Aga Khan a porté sur la réhabilitation du quartier défavorisé de Darb Al-Ahmar assortie de la création du grand parc d’Al-Azhar, offrant un poumon vert aux habitants de ce secteur du Caire.
Le travail sur les remparts du Caire a porté sur le dégagement en divers endroits des fondations des murs et sur les portes.
Les murailles de la cité sont ponctuées par les trois portes monumentales édifiées par le vizir fatimide Badr al-Gamâlî (1087-1092) qui inaugura la période de pouvoir du vizir au détriment de celui du calife. Ces portes, Bâb al-Futûh, Bâb al-Nasr et Bâb al-Zuwayla, qui existent encore actuellement, révèlent le réemploi de blocs d’époque pharaonique provenant de monuments antiques d’Héliopolis et d’Amarna.
La période ayyoubide est représentée par la citadelle de Saladin et par la grande entrée au nord-est de la ville, marquée par la Bâb al-Gedid, la porte neuve n° 1 et la porte neuve n° 2 surmontée d’une belle inscription.
L’époque mamelouke a été révélée par les fouilles du parking Darassa qui ont mis au jour tout un quartier d’habitations avec ses rues et ses maisons, et une nécropole avec des tombes collectives, témoins des grandes épidémies de peste.
Les fouilles du site de la Bâb al-Tawfiq, porte fatimide en pierre insérée dans le mur d’enceinte en briques crues, ont montré que le parvis de la porte était formé de grands blocs de calcaire provenant de monuments pharaoniques d’Héliopolis, dont un bloc de Sésostris 1er (XIIe dynastie) et une belle stèle du roi Séthi 1er (XIXe dynastie).
Le dégagement sur le site de Burg al-Zafar a permis de mettre en évidence deux structures d’angle parallèles appartenant au rempart : un mur de pierre avec une tour d’angle circulaire édifié par Saladin, encore vizir du dernier calife fatimide (1169-1171) et, parallèlement à l’intérieur, une enceinte fatimide plus ancienne en briques crues avec une tour d’angle carrée.
Derrière la porte de Bâb al-Nasr érigée par le vizir Badr al-Gamâlî ont été découvertes deux murailles d’enceinte d’époque fatimide.
Le site d’al-Mashtal a mis en évidence en plus de la muraille en pierre de Saladin et de l’enceinte en briques crues une troisième enceinte en pisée.
Pendant l’Expédition d’Égypte, les Français se sont appuyés sur les anciennes fortifications du Caire pour les renforcer. Sur les portes fatimides jalonnant ces remparts ont été inscrits les noms des soldats français assassinés lors de la révolte des habitants du Caire.
En conclusion, tous ces travaux de fouilles ont été à l’origine de plusieurs démarches pérennes pour l’avenir, initiées par le conférencier et les institutions de soutien : la recherche et la publication des résultats des fouilles, la conservation et la protection des monuments concernés, l’enseignement et la coopération avec les chercheurs et étudiants égyptiens grâce à conception de chantiers-écoles.
Interview de Stéphane PRADINES, archéologue, en juin 2012
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