Février 2018
Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, chers amis,
L’absence du Pr Mathieu Guidere, membre de notre académie et islamologue bien connu, actuellement en mission au TCHAD pour les Nations Unies, me vaut l’honneur inattendu de vous présenter aujourd’hui le général Jean-Paul RAFFENNE. Pour ce faire, je me suis documenté, j’ai rencontré le général Raffenne et je me dois de vous avouer que j’ai découvert un parcours exceptionnel révélant une personnalité tout aussi exceptionnelle. C’est donc pour moi un très grand plaisir de vous faire partager cette double découverte.
Ce Parcours commence dans un petit village, LEPUIX, situé au pied du Ballon d’ALSACE dont la ligne de crête a marqué la frontière franco-allemande entre 1871 et 1919. Ce village est également voisin de la ville de Belfort, célèbre pour la résistance héroïque du colonel Denfert -Rochereau en 1870. Un AVANT-POSTE en quelque sorte où Jean-Paul RAFFENNE a vu le jour le 11 novembre 1944: le 11 novembre, une date mémorable; novembre 1944, un moment crucial où, quelques 200 kms au nord, dix divisions blindés allemandes préparaient leur dernière contre- offensive sur le front occidental : la fameuse bataille des ARDENNES. Nul doute que cette conjonction de temps et de lieu ait influencée la vocation puis la carrière du jeune RAFFENNE.
Nous le suivons ensuite à Belfort pour ses études secondaires, puis au Prytanée militaire de La FLECHE où il préparait ST CYR. Et en 1965, sur la lande bretonne à ST CYR-COËTQUIDAN, nous retrouvons le jeune Jean-Paul, apprenant le métier d’officier,( celui de fantassin et de parachutiste tout à la fois), entre deux parades en Casoar et gants blancs, cérémonies qu’affectionnaient à cette époque le commandant de l’Ecole, le Général de BOISSIEU. Son rang de sortie lui permet de choisir. Il opte pour un corps d’élite : les Troupes de Marines, un corps moins connu des Français que la Légion étrangère mais qu’on célèbre outre-atlantique sous l’appellation familière « LES MARINES »
A ce titre, en août 1968 il est affecté à Castres au 8 ième Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine, une unité au passé glorieux, décimée à Dien Bien Phu mais reconstruite en Algérie, et qui devient en 1970 le premier régiment français entièrement professionnel. C’est ainsi qu’en mai 1970, à la tête d’un commando de
40 parachutistes engagés volontaires, il rejoint à Fort-LAMY au Tchad le 6 ième Régiment Interarmes d’Outre-MER, chargé de contenir la rébellion d’Hissane Habré, soutenue par la Lybie du colonel Khadafi. Un conflit qui ne dit pas son nom et dont la Presse parle peu, mais un conflit meurtrier, ponctué d’affrontements sanglants, comme l’embuscade de BEDO au cours de laquelle le lieutenant Raffenne réussit à contourner les assaillants et à limiter les pertes.
Nul doute que ce fut pour lui une expérience capitale: celle de la guerre asymétrique dans les conditions extrêmes du désert africain. Et aussi une expérience humaine inoubliable de fraternité et de responsabilité sur le terrain, à la tête d’une section de combat où on partage tout, risques y compris! Une expérience fondatrice qu’il n’oubliera jamais et qui fera de lui un officier toujours apprécié et respecté des hommes placés sous sa responsabilité.
De fait, 18 ans durant entrecoupés de périodes de formation, il assume différentes responsabilités opérationnelles.
– Instructeur de parachutisme en chute libre à l’Ecole des troupes aéroportées de PAU en 1972, promu capitaine l’année suivante, il intervient une première fois aux Comores en 1975 lors de l’indépendance de ce territoire, à la tête d’une Compagnie de combat.
- Puis en avril 1976, le voici une première fois à ST Pierre de la Réunion comme adjoint au chef de corps du 2ième Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine.
- Retour en France en 1978 au Palais Niel à Toulouse où il est promu commandant avant de rejoindre les casques bleus de la FINUL au SUD LIBAN comme officier » RENSEIGNEMENT » une activité indispensable dans ce nouveau type de
- Retour à Paris entre 1983 et 1985 pour suivre les cours de l’ ECOLE SUPERIEURE
de GUERRE avant de rejoindre le 5ième Régiment Interarmes d’Outre-Mer comme commandant en second sur la base hautement STRATEGIQUE de Djibouti
- Deux ans plus tard, nouveau retour à Paris comme Professeur à l’ECOLE
SUPÉRIEURE DE GUERRE Interarmées avec le grade de colonel avant de prendre le commandement d’une unité qu’il connaît bien, le 2ième Régiment Parachutiste d’infanterie de Marine à St Pierre de la Réunion. Cette unité était à l’époque la seule formation en Outre-Mer possédant une capacité de projection parachutiste ; et le nouveau colonel l’utilise aux Comores pour en extraire les mercenaires (notamment le fameux BOB DENARD) qui ont pris le pouvoir après l’assassinat du Président
L’année 1990 marque un tournant dans ce parcours du combattant. Le colonel RAFFENNE est convoqué au ministère, car on s’est aperçu qu’il y avait une grave lacune dans sa carrière d’officier: ce baroudeur n’avait pas occupé de poste dans l’administration centrale ! On lui propose donc d’intégrer un bureau du ministère et il refuse car il ne souhaite pas dépérir dans un bureau! On envoie donc le rebelle dans un endroit où personne ne veut aller, au Centre d’intégration interarmes du grand complexe militaire américain de Fort Leavenworth dans le KANSAS. Son titre
« Officier de liaison instructeur » est une coquille vide qui peut conduire, non pas à St Jacques de Compostelle mais dans une impasse. Jean-Paul Raffenne, bien connu pour son sens de l’humour va alors faire preuve d’un esprit ingénieux. En effet, son arrivée coïncide avec le déploiement des paras américains au Moyen Orient – notamment la fameuse 82ème Airborne Division, celle qui avait sauté le 6 juin 1944 sur Ste Mère l’Eglise- : il s’agissait de stopper l’avancée des armées de Saddam Hussein après son invasion du KOWEIT. Un magazine traînait sur une table avec la photo d’un para équipé d’un casque et d’un barda énorme. Le colonel Raffenne s’exclame à haute voix: « Ou bien cette photo est du pipeau; ou vous allez avoir de sérieuses pertes santé ( c’est-à-dire des pertes dues à des coups de chaleur!) » Cette remarque provoque les questions des officiers américains. Et de fil en aiguille, il découvre ainsi le « Centre des Leçons apprises »dont l’Etat-Major français ignorait l’existence: ce centre rassemblait une équipe de spécialistes chargée de recueillir toutes les expériences vécues de vie et de combat dans le désert! Le colonel RAFFENNE connaît bien le sujet et en profite pour amorcer un dialogue et pratiquer un premier échange informel d’informations. Il parvient ainsi à rencontrer le Général commandant ce grand complexe militaire qui, à l’issue de l’entretien, le fait entrer, privilège rarissime, au bureau « ETUDES de l’US Army ». Là, il fait une nouvelle découverte: l’armée américaine utilise des outils totalement inédits de simulation pour analyser et valoriser l’entraînement des troupes en temps de paix. Un échange d’information réciproque se met alors en place. Le Général COT, commandant la première armée française est invité à visiter Fort Leavenworth. Résultat: « l’officier de liaison »a rempli sa mission au delà de ce qu’on pouvait espérer. Il peut ainsi revenir en France par la grande porte.
En août 1994, il est promu général, et rejoint l’ambassade de France à Washington en tant qu’attaché militaire. Désormais une nouvelle carrière s’ouvre à lui : la stratégie diplomatique. Une carrière qui sera bien évidemment liée aux évènements!
En 1996, le conflit dans les Balkans le ramène en Europe: d’abord au sein du Corps de réaction Rapide de l’OTAN, puis comme patron du bureau « Plans-Politique »de la Force de Stabilisation en Bosnie-Herzégovine. Un an plus tard, il est affecté à la Direction des relations internationales de l’ETAT-MAJOR des Armées dont il devient le Directeur le 1er juillet 1998 en prenant les fonctions de Sous Chef d’Etat-Major des Armées en charge des relations internationales, avec en prime une troisième étoile.
Ce conflit européen a relancé l’idée d’une défense européenne dont l’accord franco- britannique de St Malo en 1998 entre Jacques Chirac et Tony Blair jette les bases politiques. Mais encore faut-il donner corps à cette intention politique! Pour ce faire, le général RAFFENNE, élevé au grade de général de Corps d’armée, arrive à Bruxelles le 1er mars 2000 à la tête de la première représentation militaire française auprès de l’Union européenne. Mais les obstacles sont nombreux et force est de constater qu’ils ne sont pas encore levés 18 ans après, notamment en raison de l’absence d’une politique étrangère commune !
Les évènements se précipitent. Après l’attentat du 11 septembre à New York, les relations tissées par le général Raffenne avec l’armée américaine le conduisent, dans le cadre de l’opération Héraclès en Afghanistan, à prendre la tête du détachement de liaison français auprès du Commandement Central américain à Tampa en Floride. Puis en février 2002, il est élu pour trois ans au commandement du collège de Défense de l’OTAN à Rome. Ce poste lui permet d’affiner sa vision stratégique d’un monde devenu de plus en plus instable.
Devenu un expert reconnu en géopolitique militaire, il rejoint entre 2005 et 2009, le centre américain d’Etudes et de Sécurité Georges MARSHALL en Allemagne, où se rencontrent les spécialistes occidentaux du renseignement et des études stratégiques.
Et depuis 2010, mis en disponibilité et revenu à Toulouse, il ne ménage pas son temps pour faire partager son expérience aux étudiants de l’Institut d’études Politiques.
Mesdames, messieurs, je viens de vous faire découvrir le parcours professionnel du Général Raffenne, un parcours exceptionnel, riche de la variété des expériences vécues au fil des évènements qui ont secoué la Planète. Vous avez certainement vu s’y dessiner sa personnalité : celle d’un homme d’action, responsable, dynamique et rigoureux, celle d’un homme de réflexion lucide, réaliste, précis et exigeant, celle aussi d’un homme engagé depuis toujours au service de la France .
Mon général, je ne m’étendrais pas sur les nombreuses distinctions dont notre pays vous a honoré pour marquer sa reconnaissance ; il en va de même des Etats-Unis, du Tchad, de l’OTAN,.. et de bien d’autres pour les mêmes services. La petite médaille que nous vous offrirons tout à l’heure pour témoigner de votre entrée dans notre modeste collège est bien peu à l’égard de toutes les marques de reconnaissance que vous avez reçues, et notre académie n’est pas à la hauteur de tous les cénacles que vous avez fréquentés. Mais nous connaissons votre passion pour la géopolitique, pour tenter de prévoir à moyen terme, tel un climatologue, les mouvements des forces politiques et militaires en présence. Comme la climatologie à l’heure du réchauffement de la planète, la géopolitique est à l’heure actuelle, un exercice difficile en raison de l’accélération des événements et de la nécessité de rafraîchir constamment ses informations! La géopolitique ne voit-elle pas déjà s’ouvrir un nouveau territoire d’études: l’espace extra-terrestre où s’affrontent les satellites de toute nature? Et c’est précisément votre connaissance sans cesse remise à jour de la Géopolitique de l’Orient qui intéresse l’Académie Toulousaine de l’Orient, soucieuse depuis quatre ans d’élargir ses compétences à toutes les couches de l’histoire de l’humanité : en profondeur bien sûr vers la préhistoire et la génétique des populations, mais aussi en surface en essayant de comprendre la complexité du monde contemporain. Au nom de notre collège, je vous remercie d’avoir bien voulu accepter de nous rejoindre. Votre expérience est un complément précieux pour le développement de nos activités et votre présence nous honore.
MARC ALBOUY